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L’héritage arabe, la valeur de l’intangible

Les traces de l’influence arabe dans la culture gastronomique espagnole sont omniprésentes. Le contraire serait par ailleurs étonnant car il y a eu des territoires d’Al-Andalus dans lesquels la domination arabe a été ininterrompue durant presque 800 ans.

Cette influence est à l’origine de la prédominance des saveurs sucrées dans la cuisine espagnole. La canne à sucre, introduite en Espagne par les arabes autour du IXème siècle, permettait la consommation d’un produit qui, pour le reste de l’Europe, restait alors une marchandise exotique : le sucre.
 

Canne à sucre

Canne à sucre

Les arabes considéraient aussi comme aliments (plutôt que comme raretés) d’autres produits « exotiques » cultivés ou produits en Espagne, comme le riz et les pâtes, qui sont aujourd’hui à la base des plats « stars » de la gastronomie espagnole : la paella de Valence, le riz au lait, la fideuá

A cette époque, la consommation des légumes commence aussi à se développer avec l’introduction des épinards, des asperges, des aubergines, des artichauts, etc… qui peuvent se consommer mélangés, cuisinés ou crus (quelque chose qui était impensable auparavant), et qui ont conduit à des plats comme le pisto manchego (élaboré alors sans la tomate), ou l’escalibada catalane. Les purées et crèmes de légumes sont aussi un héritage des recettes arabes.

Un grand nombre de fruits parmi les plus habituels et les plus consommés, comme les oranges, les citrons, les bananes, les pastèques, les melons et les grenades, ont été répandus par les peuples arabes, tout comme l’habitude d’élaborer avec eux des confitures et des jus.

Les amandes, connues et consommées dans la péninsule depuis très longtemps, vont voir leur goût se raffiner à travers les milliers de recettes sucrées qui sont arrivées jusqu’à nous, comme le Massepain de Tolède, la Torta real de Montril ou le turrón d’Alicante.

Les épices introduites par les peuples arabes, telle que la cannelle, le safran, le cumin,  le gingembre, le sésame, la coriandre, l’origan, le thym, la lavande ou la noix de muscade, sont aussi devenues une part essentielle de la cuisine espagnole.

C’est aussi à cette période d’occupation de la péninsule par les peuples arabes que les viandes commencent à être présentées à table accompagnées de légumes, tel qu’on le fait aujourd’hui dans tous les foyers espagnols.

Le développement des recettes à base de viande hachée, ou du moins découpée comme les albóndigas et les saucisses, qui ont incorporé plus tard la viande de porc, donnant lieu probablement aux multiples variantes des charcuteries des régions espagnoles.

Un autre exemple de l’héritage reçu des peuples arabes est l’ordre dans lequel les plats sont servis, commençant par les soupes et salades, puis les poissons et les viandes, pour finir avec les desserts, comme recommandé par Averroes (remarquable philosophe arabe du Moyen Age) dans un de ses traités.

Et pour finir, un héritage arabe qui a bouclé la boucle : la coutume de retourner le poisson dans la farine avant de le frire. Cette pratique a été transmisse pour les arabes aux moines jésuites, qui plus tard transmettraient cette recette au Japon, dans leur travail d’évangélisation. Finalement, elle est retournée en occident transformée sous la forme de la délicieuse tempura.

Qui croyait que la mondialisation était une invention du XXIème siècle ?
 
Photo : Rufino Uribe